Scarification, une forme d'art?

L'homme a toujours voulu représenter son environnement, mais aussi ses états d'âme et ses émotions d'une façon pittoresque et tous les moyens sont bons pour communiquer à l'autre ce vécu. Certains choisissent la poésie, les autres optent pour la peinture ou le modelage et les possibilités d'expression sont infinies. Elles n'ont de limite que l'imagination et les talents de chacun. Parmi les moyens utilisés pour l'expression artistique, le corps humain est sans doute le plus atypique. Il peut, en effet, sembler incongru - à une époque où tout ce qui est marginal ou qui n'entre pas dans les codes conventionnels est forcément déraisonné et inavouable - d'utiliser son corps comme une toile vivante. Pourtant, les pratiques d'ornementation corporelle existent depuis des millénaires, et la scarification en fait partie. La scarification est cette marque obtenue par incision superficielle de la peau, à la manière du tatouage mais sans utilisation de pigments. Utilisée en premier lieu en Afrique de l'ouest, la scarification sert d'abord de moyen d'identification entre les différentes tribus. Elle sert aussi de signe de démarcation individuelle car chacun peut composer les motifs qui orneront sa peau.

Mais le plus important c'est de retenir que la scarification joue un rôle prépondérant dans la hiérarchie sociale car elle sert à symboliser le passage d'un statut à un autre, par exemple de celui d'adolescent à celui d'adulte. Cette forme d'art corporel se retrouve dans les tribus indiennes primitives d'Amazonie, mais aussi en Australie et en Nouvelle-Zélande, chez les Maoris. Bien que pratiquée pendant des siècles, la scarification comme outil social est aujourd'hui en perte de vitesse du fait de la modernisation des différentes sociétés.


 

D'un autre point de vue, la scarification est un acte médical surtout utilisé au 19e siècle, lorsque les saignées superficielles étaient pratiquées pour la purification du sang. Les patients avaient alors le choix entre la scarification et les sangsues. Aujourd'hui, elle est encore utilisée - mais rarement - pour déloger des verrues sous la peau ou pour traiter d'autres problèmes dermatologiques superficiels. Mais plus globalement, la scarification est actuellement catégorisée comme un art corporel à part entière, au même titre que le tatouage ou les piercings et une communauté bien distincte revendique l'utilité et l'esthétisme de cet art un peu particulier. Les adeptes de la scarification sont pour la plupart des adolescents ou des jeunes adultes qui taillent eux-mêmes leur peau ou font appel à des professionnels. Ces derniers officient dans des boutiques tout à fait légales dans lesquelles ils proposent des motifs tous aussi étranges les uns que les autres. Pendant une séance de scarification, la peau est d'abord minutieusement nettoyée, puis le scalpel est stérilisé. Le « dessinateur » opère alors une première incision, puis continue d'élaborer son oeuvre à travers d'autres découpes.
 

Selon les désirs du client, la scarification peut être faite en relief ou en creux. Dans ce dernier cas, une portion de l'épiderme est décollée pour former des motifs encore plus originaux. D'après les témoignages des férus de scarification, la pratique est assez douloureuse - la souffrance est plus accrue que pour le tatouage - mais demeure dans le domaine du supportable. Ils appliquent des pansements ou des gels spéciaux pour empêcher la cicatrisation des plaies et permettre de garder le motif sur le long terme. Comme la peau finit toujours par guérir, les adeptes de la scarification portent sur leur peau d'étranges formations épidermiques dont le sens artistique échappe souvent au commun des mortels. Selon les spécialistes, cet art particulier exprimerait une quête spirituelle, un fort désir d'identification ou de démarcation, mais pourrait aussi être la manifestation d'un penchant pour l'exhibitionnisme et le masochisme. Les psychologues et les psychiatres - au grand dam des « artistes » - affirment d'ailleurs que la scarification, pratiquée en-dehors du cadre social primitif où elle était naturelle, doit être catégorisée dans la famille des mutilations corporelles. Plus grave encore, il s'agit d'une automutilation qui traduit un mal-être profond et, parfois, des tendances suicidaires. Alors, pathologie ou art ? Le débat reste entier et en attendant de trouver une réponse définitive à la question, les amateurs de scarification doivent juste faire attention à bien se protéger contre les infections comme le Sida et à toujours bien nettoyer leurs scalpels avant et après utilisation. Mieux vaut prévenir que guérir !


26/06/2009
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